jeudi 10 mai 2012

"Les trois mousquetons : le pic Beyle"

• La brume qui stationnait sur le glacier se déchire ; s'éparpille en nuées arachnéennes qui se dissolvent dans l'azur. À l'aplomb d'un plateau d'étain brillant, le sommet dévoile son cône, chantilly vanille, qui attend sa défloraison. Un grain de beauté, piqué juste sous l'arête terminale, en souligne la blancheur. Après ce brouillard cafardeux, cette apparition est saisissante. Se détachant de la ligne d'arête, la pointe sommitale se propulse d'un dernier coup de rein dans le bleu du ciel, lance de lumière dardée comme un défi à l'immensité. La beauté ne se discute pas, ni ne s'évalue ; elle s'éprouve. Elle est une évidence que n'entame pas la critique, n'est soluble dans aucune description. Hors d'atteinte et pourtant palpable, elle est un don fortuit. Troublante, apaisante, sa contemplation est à la fois une question et une consolation. Les quatre randonneurs, éprouvés par ces longues heures d'effort, restent un moment immobiles, recueillis comme au seuil d'un temple inconnu, barbare et magnifique.
— « Putain ! » siffle Raph, entre ses dents, qui est le premier à retrouver le sens de la parole.

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